La barge...
La barge est notre métro, notre tramway, notre transport en commun pour aller de Petite-Terre en Grande-Terre et vice versa. Un bateau qui fait la navette entre les deux îles toutes les demi-heures, pour les voitures, les scooters, les vélos et les piétons.
Tout en discutant, si vous le permettez, je vais vous montrer quelques photos du trajet que je fais tous les matins et tous les soirs, avec des centaines d' autres personnes. En fait, pour être exact, voici plutôt le chemin que je fais pour rentrer chez moi puisqu'il s'agit sur les photos du trajet Mamoudzou-Dzaoudzi. C'était un samedi à 13h30, mais la question n'est pas là. Tous les matins, donc, un taxi-brousse me dépose à Dzaoudzi et je vois la barge arriver à quai. Les mécaniques montent en premier, les voitures d'abord puis les scooters. Le spectacle peut commencer: certaines voitures ont parfois du mal à faire la manoeuvre pour monter sur la barge, c'est toujours ce jour-là que j' oublie mon appareil photo. Dans la semaine, un conducteur a effectué quatre manoeuvres différentes pour tenter de monter, mais le pôvre s'enervait tellement que sa voiture bafouillait. Une bouéni a fini par lui dire que s'il y allait à pied, il irait plus vite. Eclat de rire général, et le monsieur, véxé, a fait demi-tour sous les applaudissements.
Les piétons montent ensuite, doucement, très doucement, sans se presser. L'important est de ne pas se prendre de gamelle sur le quai trempé par la marée ou par la pluie.
Les places ne sont pas attribuées, on n'est pas à la messe, n' empêche que, inconsiemment, on a tous une place favorite: certains préfèrent le haut, d'autres le bas, dans le sens de la marche ou à côté de la copine. Ma place favorite est en haut, face au lagon, et sans personne en face de moi. Habitants de Petite-Terre qui me lisez, sachez donc que le jour ou vous verrez une bonne femme vous regarder du haut de son mètre soixante, les deux mains sur les hanches, et vous gueuler à l'oreille C'EST MA PLACE,il s' agira de moi.
Derrière moi se trouvent les employés du Conseil Général, et les discussions vont bon train sur les sujets politiques du moment. C'est aussi le moment des doléances des administrés de Mayotte. Les caniveaux qui débordent, les chiens qui aboient toute la nuit, les enfants qui n' écoutent pas les parents, le prix du riz qui augmente, toutes les plaintes sont entendues. La discussion tourne au débat très souvent et c'est toute la barge qui en profite. Mais peu importe la gravité du sujet abordé, la discussion se terminera comme tous les matins par des rires et des tapes dans le dos.
Je suis une des dernières à descendre, profitant de cette petite minute précieuse ou le silence s' installe après la cohue. Oui, parce que sur la barge, c'est bruyant, très bruyant. On discute, on s' engueule, on rit, mais ce n'est jamais triste. Fatigant en fin de journée et les matins ou je suis de mauvais poil.
Les piétons sortent en premier, et la descente est un vrai spectacle en soi: les régimes de bananes achetés au marché encombrent la descente et obligent les scooters à attendre que le chemin soit libre. En période de Ramadan, en plus des bananes, on aura droit aux oies et aux poules que les passagers offriront en offrande à la famille.
Voici donc le trajet que la barge effectue tous les jours. On ne paie rien dans le sens Dzaoudzi-Mamoudzou, et c'est 75 cts dans l'autre sens, 12 euros pour l' abonnement mensuel. Et pour ce prix, vous aurez aussi la chance de voir des tortues marines nager autour de la barge, et parfois des dauphins faire des sauts pour le bonheur de tous...
Kaay à Mayotte