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Alors que certains n' hésitent pas à me taxer de reporter, pour peu qu'il y ait une jolie photo et deux phrases bien tournées, je vous donne la preuve ce matin que je ne pourrais jamais faire carrière dans le journalisme. En dépit de tous les évènements politiques qui se passent dans les Comores ces jours-ci, je n'ai pas jugé bon de prendre mon appareil photo ce matin en allant travailler. Erreur, grave erreur...
Je résume les derniers jours du Colonel Bacar à Anjouan. Ce dictateur a été destitué du pouvoir pris en force il y a quelques mois et il est arrivé cette semaine sur Mayottte en kwassa-kwassa, ces barques qui apportent chaque jour les clandestins comoriens venus chercher une vie meilleure. L'histoire ne nous dit pas si sur le kwassa du Général Alcatraz, pardon du Colonel Bacar, il y avait aussi 27 personnes, 8 enfants et 5 zébus comme il est de coutume. Bref, ce dictateur déchu est arrivé à Mayotte et demande l'asile politique à la France. Seulement les Anjouanais ne l'entendent pas de cette oreille et voudraient que l'ancien président soit jugé à Anjouan
Ce matin donc, en sortant de chez moi, je vois que c'est un jour pas comme les autres. Dans les rues de Labattoir, les bouénis discutent, parlent fort, font des grands gestes, prennent le Ciel à témoin, le balai à la main. Arrivée à la barge, j' apprends que le Colonel Bacar est sur Grande-Terre et veut passer à Dzaoudzi pour prendre l'avion afin de rejoindre la Réunion ou la métropole. On nous fait monter sur la barge, et je suis aux premières loges pour voir celle de Mamoudzou escortée de la barge militaire ainsi que des zodiacs. Les camions militaires descendent du bateau avec à l'intérieur d'un camion notre fameux dictateur. Une haie se forme par les militaires pour laisser passer les camions, tandis que les Mahorais, fidèles à eux mêmes, regardent passer le train. Du côté des femmes, fidèles à elles-mêmes, ça vocifère, ça insulte, ça crache et ça crie. Le linchage n'est pas bien loin mais heureusement les hommes en kaki sont là pour calmer le jeu, le fusil à l' épaule.
Le dictateur est sans doute amené à la gendarmerie ou à la Préfecture, je n' en sait rien, mais les barges sont toujours bloquées, le temps que la pression redescende. Quand je demande à un type de la sécurité à quelle heure les barges reprendront le service, le monié me répond " à 11h, peut-être, ou à midi, peut-être..." les Mahorais ne disent jamais oui ou non, mais peut-être; on ne peut jamais être sûr de rien. Inch' Allah.
Les taxis sont pris d'assaut pour emmener tout ce beau monde à l' aéroport Le peuple compte en effet le bloquer pour éviter le départ vers la France du Colonel. Souhaitons que le gouvernement français ne cautionnera pas une fois de plus l' arrivée sur le sol gaulois d'un dictateur déchu, comme il en a l'habitude.
Pour ma part, je suis rentrée chez moi en attendant de pouvoir aller bosser dans la journée. Après un coup de fil à la pharmacie, un collègue m'annonce que la barge du côté de Mamoudzou est prise d'assaut et que la place du Marché est noire de monde.
La photo que j'ai mise pour illustrer ma note n' a évidememnt rien à voir avec les évènements de ce matin, elle a été prise la semaine dernière.
Je vous l'ai dit, je ferais une piètre reporter: le jour ou il se passe VRAIMENT quelque chose, je le laisse délibérement à la maison.
A la télévision, pas un mot sur les évènements sur les chaines d'info LCI et ITELE, mais un entrefilet sur la BBC....!!
Si vous voulez en savoir plus sur ce qui se passe aux Comores en ce moment, cliquez sur le site de RFO MAYOTTE qui vous donnera plus d' infos. .
P.S.: il est 13h30 et mes copines de Grande-Terre me confirment que ça chauffe vraiment. Des Blancs ont été pris à parti par des Anjouanais qui se vengent comme ils peuvent de leur frustration, un militaire à été gravement blessé à coup de machette et des pneus de voitures brulent à Kawéni. Mes collègues sont coincés à la pharmacie et ont reçus des menaces de mort s'ils sortaient. Apparemment, il ne fait pas bon être Blanc à Mayotte ces jours-ci, j'ai donc une nuit pour devenir Noire et passer ainsi inaperçue...
P.S.bis: suite aux commentaires de Hélène et de Oumi, je reprends donc cette note pour mettre les mots Anjouanais à la place de Mahorais. J'avais en effet fait l'amalgame, alors que sur place, on ne saurait les confondre. Mille excuses donc aux Mahorais ainsi qu'aux deux commentaires qui m'ont remis à ma place. Kaay à Mayotte