j'ai passé une grande partie de ma vie à dire NON. Non, j'ai la flemme d'aller à la boulangerie..par contre, tu peux me prendre du pain, silvouplè, en passant... NON, je ne partage pas mes bonbons; pis quoi encore. NON, tu as tort, puisque j'ai raison. Et comme j'ai toujours raison, tu as toujours tort. Héhé...!! Ma vie est une succession de NON, lancés la plupart du temps pour d'obscures raisons que même moi j'ai du mal à comprendre.

Vous comprendrez ma stupeur lorsque j'ai débarqué à Mayotte de découvrir que j'habitais désormais dans le pays du OUI.

Pour n'importe quoi, on vous dira oui.

Par exemple, à la question de savoir s'il fera beau demain, l'homme répondra toujours oui. Avec un grand sourire, bien entendu. Jamais il ne lui viendrait à l'idée de vous dire qu'il n'en sait rien, qu'il s'en fout et que si tu as d'autres questions dans le même genre, tu ferais mieux de te taire. Non, le mahorais vous répondra OUI.

- est-ce que tu peux passer demain réparer la chasse d'eau qui fuit...Oui, je passe demain. Euh...j'ai juste oublié de lui demander de quel demain il s'agissait. Étant donné que chaque jour est un demain en devenir...tu me suis, là... c'est sans doute le demain de dans un mois finalement. Mais jamais il ne lui serait venu à l'esprit qu'un non m'aurait évité de perdre ma matinée

- au magasin quand je demande s'il reste du pain de mie, je reste encore perplexe devant la réponse mi-fugue mi-raisin du chef de rayon: oui, on en reçoit la semaine prochaine.

- au chauffeur de taxi à qui je demande s'il peut me déposer à Labattoir, il me sera répondu que peut-être que je vais à Pamandzi d'abord et peut-être que je ne passe pas à Labattoir. En clair, passe ton chemin.

- au client à qui on demande de régler les 3 euros en échange de la boite, il nous sera répondu que "peut-être" je n'ai plus de sous.

Les jeunes filles ne sont pas en reste. Celui qui aura le courage de leur demander leur numéro de téléphone afin que je te t'appelles pour passer une soirée ensemble et beaucoup plus si affinités parce que tu me plais vraiment et que je suis seul ce soir aura droit à un grand sourire et un numéro en échange. Jamais, au grand jamais, la jeune fille ne dira non, quitte à refiler au besoin un faux numéro de téléphone. Ou celui de sa copine, on ne sait jamais.

J'ai donc pris l'habitude de poser deux questions: est-ce qu'il fera beau demain et est-ce qu'il va pleuvoir demain...généralement, la réponse est OUI dans les deux cas et ça m'avance vachement bien. En même temps, je ne pose jamais cette question à qui que ce soit, parce que la réponse ne changera rien, de toutes façons.

Depuis peu, j'ai mis une technique au point. Ouais, je sais, je suis super vive quand ça me prend. Je m'attache désormais à ne poser que des questions ou les réponses ne peuvent être Oui ou Non. Dans la pratique, ça donne un truc comme: tu vas à Labattoir ou à Pamandzi...le pain de mie, il est dans quel rayon...

Et dans deux mois, les habitants de Mayotte vont voter au reférendum qui devrait déterminer si l'île passera département dans quelques années, ou si le statut reste tel qu'il est, le cul entre deux chaises. Sachant que les mahorais ne disent jamais NON, ma boule de cristal en verre blanc me donne une idée de la réponse à la question. Mais ne vendons pas la peau du maki avant de l'avoir buté, nous aurons la réponse le 29 mars. Nous verrons à ce moment-là si les mahorais savent dire NON... de temps en temps.

Bon week-end à tous

Kaay à Mayotte

Je ne dis jamais non...

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